Le prophète Jérémie présente des traits de ressemblance avec Le Seigneur Jésus. Ou plutôt, Jésus a lui-même annoncé que, comme les vrais prophètes d’antan, il n’est pas bien accueilli parmi les siens. Le sort des prophètes est souvent tragique car ils proclament des vérités que peu acceptent d’entendre. Leurs contemporains croient que ce sont des oiseaux de mauvais augure, des empêcheurs de tourner en rond, alors qu’ils ne font que décrire la réalité autour d’eux, avec l’éclairage de la Parole de Dieu. Cette ressemblance est d’autant plus forte que Jérémie semble se souvenir des chants du Serviteur souffrant, qu’Isaïe a décrit et que nous avons entendus lors de la vénération de la couronne d’épines. Il se qualifie lui-même « d’agneau docile » qu’on mène à l’abattoir. Il est près de 600 ans avant Jésus lui-même un des serviteurs de Dieu, qui souffre à cause de son peuple pour le bien de ce même peuple. Jérémie est un serviteur de la vérité et un serviteur de Dieu, qui provoque la colère collective des siens qui ne veulent pas l’entendre. Le malheur de Jérémie avait été de dire au roi de son époque qu’il ne pourrait pas compter sur l’aide des Egyptiens, pourtant des ennemis ancestraux, contre les Babyloniens, qu’il fallait céder, que la défaite était inévitable. Evidemment, tout en sachant qu’il avait raison, le roi et sa cour ne voulaient pas accepter cette vérité. Comme Jérémie jouissait d’une forte aura, le roi a hésité à le faire exécuter et l’a condamné à patauger dans l’humidité d’une oubliette au fond d’un puits.
Jérémie et Jésus se ressemblent. S’ils s’étaient rencontrés, il y a fort à parier qu’ils se seraient reconnus, comme deux hommes qui ont traversé des épreuves similaires, qui ont un même zèle pour le service de Dieu, qui ont souffert pour ce service. Ils n’ont pas besoin de se parler longtemps pour se comprendre en profondeur. Comme l’histoire sainte, nous savons que la providence traverse mystérieusement les siècles, même au travers des grandes épreuves. Jérémie est un devancier de Jésus, comme une ombre qu’on aperçoit et qui signale la personne qui s’approche. La providence tisse des liens secrets dans les replis du temps entre les serviteurs de Dieu. Certains d’entre eux ont été les ombres, les Justes de l’Ancien Testament, d’autres ont été les disciples du Christ, les Saints du temps de l’Incarnation et de l’Eglise jusqu’à aujourd’hui.
La couronne d’épines restera un mystère pour nous qui sommes deux mille ans après la passion qui vit couronner le Roi de rois de manière si ironique. Il est impossible de la suivre durant ces deux milles pour attester absolument qu’il s’agisse d’elle. Certains sceptiques la disqualifieront, d’autres seront troublés au bon sens du terme, qu’un tel objet ait pu traverser tant de siècles, ait pu susciter tant de ferveur, qu’il y ait une chance raisonnable pour que ce soit l’emblème qui a ceint le front du Roi des rois. En la vénérant, nous n’avons pas salué uniquement la seule passion du Christ, mais aussi la Providence qui est à l’œuvre dans les siècles, ces « ombres » annonciatrices et ces disciples du Christ qui ont partagé d’une manière ou d’une autre sa passion. Je pense aux membres du Corps du Christ qui souffrent de leur fidélité aujourd’hui, à ces témoins qui sont persécutés et que les media oublient injustement en même temps qu’ils préfèrent dénoncer les péchés qui ont sévi dans l’Eglise.
Ici dans notre église-mère diocésaine, sous le beau vocable de Notre Dame, nous, paroissiens et familiers de Saint Louis, nous venons nous approprier le message de la couronne d’épines, que la statue de notre saint patron porte dans le chœur de notre église. C’est l’occasion de nous approprier la mission de miséricorde de notre paroisse, d’entrer dans le sens de cette mission de service du Christ souffrant qui caractérise la couronne d’épines. Pendant quelques instants, recueillons-nous et demandons à Notre-Dame et à Saint Louis, roi de notre beau pays, d’intercéder pour nous.